LA POSTE FÉODALE DES PRINCES DE

LA TOUR ET TAXIS

© Jean-Louis BOURGOUIN

 

PRÉSENTATION

 

     Il est impossible de traiter des tarifs postaux avec les États allemands, sans parler de la poste féodale des princes de la Tour et Taxis. En effet, en 1849, la plus grande partie du courrier de ou pour les Etats allemands est acheminée par l'intermédiaire de cette entreprise privée unique en Europe. Depuis 350 ans, elle a constitué un maillage de liaisons postales qui assure le transport du courrier à travers l'Europe.

     La famille Tasso, originaire de Lombardie, résidait à Bergame. Au XIIIème siècle, un Tasso fonda un service de courrier entre plusieurs villes de Lombardie. Au XIVème siècle, la famille participa à la création et à la direction de la Compagnia dei Corrieri della Serenissima (Compagnie des Courriers de la Sérénissime) à Venise.
     Dans la seconde moitié du XVème siècle, Francesco Tasso crée pour le pape une liaison entre Milan et Innsbrück en
Autriche. Il attire l'attention de Frédéric III (1448-1493), empereur du Saint-Empire Romain Germanique. Le Saint-Empire Romain Germanique s’étend de l'Autriche jusqu’au Pays-Bas. Pour transmettre rapidement et sûrement les nouvelles et les ordres des différentes cours princières ou royales sur d'aussi grandes distances, il fallait une organisation structurée et efficace. En 1490, afin de mettre en place ce service et le gérer, l’Empereur Frédéric III, décide de confier le monopole du transport du courrier, de l'Autriche aux Pays-Bas, à Francesco Tasso (1459-1517) et à sa famille. Celui-ci établit avec son neveu Jean-Baptiste la première véritable ligne postale Innsbruck-Malines en 1505, reliant l’Autriche à la Belgique.
     En 1512, l'empereur Maximilien Ier (1493-1519), fils de Frédéric III, anoblit la famille.
Francesco Tasso germanise son nom en Franz von Taxis et va s'installer à Malines, puis à Bruxelles, pour gérer ce premier service postal européen.
     En 1506, Philippe le Beau, petit-fils de Frédéric III, devenu roi de Castille par son mariage avec Jeanne la Folle, avait nommé Francesco Tasso "Capitaine et maître de nos Postes". Fonction que celui-ci remit ensuite aux mains de son neveu, Jean-Baptiste Tasso.
     A partir du début du XVIème siècle, la famille de Taxis possède donc un monopole postal qui couvre les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne, les États allemands et l'Autriche.
     En 1624, Lamoral de Taxis reçoit le titre héréditaire de comte d'empire. Il revendique une filiation avec la famille italienne della Tore et prend pour nom : della Tore e Tasso, de la Tour et Taxis (en allemand von Thurn und Taxis).
     En 1695, l'empereur Léopold Ier élève Eugène-Alexandre de la Tour et Taxis à la dignité de prince.
     En 1724, à la demande de l'empereur Charles VI, les princes de la Tour et Taxis déplacent le siège de leur Poste de Bruxelles à Francfort-sur-le-Main.
     Les princes de la Tour et Taxis vont conserver ce monopole du transport du courrier, jusqu'à la dissolution du Saint-Empire Romain Germanique par Napoléon Ier en 1806.

     Malgré la création de la Confédération Germanique en 1815, dont la Constitution confirmera
la possession et le revenu des postes de la famille de la Tour et Taxis dans les États confédérés, l'essor économique, industriel et militaire de la Prusse va entraîner une concurrence de plus en plus vive entre la poste féodale des princes de la Tour et Taxis, et la poste prussienne. Les princes de la Tour et Taxis finiront par vendre leur entreprise de Poste à la Prusse en 1867. Celle-ci est intégrée le 1er janvier 1868 dans l'office postal de l'Allemagne du Nord, dont le siège est installé dans les locaux mêmes de feu la poste féodale des princes de la Tour et Taxis à Francfort-sur-le-Main.

LA SITUATION EN 1849

 

     La poste féodale des princes de la Tour et Taxis travaillent pour deux catégories de pays. Les États allemands pour lesquels elle assure intégralement le service postal, et ceux pour lesquels elle sert uniquement d'intermédiaire avec les pays étrangers.

     États allemands desservis directement par la poste féodale de la Tour et Taxis :

  1. Hesse Grand-ducale (Darmstadt)

  2. Duché de Nassau

  3. Duché de Saxe-Cobourg

  4. Duché de Saxe-Meiningen-Hildbourghausen

  5. Principauté de Hesse-Hombourg

  6. Principauté de Schwarzbourg-Rudolstadt (moins Frankenhausen et Schlotheim)

  7. Ville libre de Francfort-sur-le-Main

  8. Hesse Electorale

  9. Grand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach (moins Allstedt)

  10. Duché de Saxe-Gotha

  11. Principauté de Lippe-Detmold

  12. Principautés de Reuss-Gera et Reuss-Greitz

  13. Principauté de Schaumbourg-Lippe

  14. Villes de Arnstadt, Gehren, Gross-Breitenbach

  1. Ville libre de Hambourg

  2. Ville libre de Lubeck

  3. Ville libre de Brême

  4. Principauté de Hohenzollern (Prusse)

     États allemands auxquels la poste féodale de la Tour et Taxis sert d'intermédiaire :

  1. Royaume de Hanovre

  2. Grand-duché de Mecklembourg-Schwerin

  3. Grand-duché de Mecklembourg-Strelitz

  4. Duché d'Oldenbourg (moins principauté de Birkenfeld)

  5. Royaume de Saxe

  6. Duché de Saxe-Altenbourg

  7. Duché de Brunswick

     Autres États auxquels la poste féodale de la Tour et Taxis sert d'intermédiaire :

  1. Royaume du Danemark

  2. Royaume de Norvège

  3. Duché de Schleswig (jusqu'en 1866)

  4. Duché de Holstein (jusqu'en 1866)

  5. Duché de Lauenbourg (jusqu'en 1866)

  6. Héligoland (à partir du 1er avril 1862)

  7. Islande (à partir du 1er avril 1862)

  8. Groenland (à partir du 1er avril 1862)

  9. Iles Féroé  (à partir du 1er avril 1862)

 

LES TARIFS POSTAUX

 

     Pour acheminer le courrier d'un pays à un autre, la famille des princes de la Tour et Taxis passe des conventions de poste avec les différents pays d'Europe, comme un État souverain.
     La convention avec la France, en vigueur au 1er janvier 1849, est celle du 22 novembre 1847. Elle fixe les tarifs postaux à appliquer aux courriers à destination ou en provenance des pays ci-dessus.
      Le tarif des taxes applicables aux lettres est la somme de la taxe territoriale du 1er janvier 1828, et de la taxe pour le port de la poste de la Tour et Taxis, variable selon le pays. Vous trouverez cette taxe dans les fiches respectives de chacun des états concernés.
     Les échelons de poids de la taxe pour le port de la poste de la Tour et Taxis étaient différents de ceux de la taxe française :

     Progression de poids :

Nombre de ports

 
        Jusqu'à 7,5 grammes exclus 1  
        De 7,5 grammes à 15 grammes exclus

 2

 
        De 15 grammes à 22,5 grammes exclus

 3

 
        De 22,5 grammes à 30 grammes exclus

 4

 
        Par 7,5 grammes supplémentaires

+ 1

 

     Par simplification, je n'ai pas rappelé cette progression de poids dans la trentaine de pays desservis directement ou indirectement par la poste féodale des princes de la Tour et Taxis.

 

Lettre du 27 octobre 1869

     Cette lettre, postée à Paris le 27 octobre 1869, était à destination de Wiesbaden en Prusse. Elle aurait donc dû être acheminée par la poste prussienne.  Or le cachet rectangulaire "FRANKR(eich) ÜBER T(hurn) T(axis) BELG(ien)" montre qu'elle a  été acheminée, via la Belgique, par la poste de la Tour et Taxis. Bien que celle-ci ait été absorbée depuis plus de 2 ans par la poste de Prusse.
     Cette lettre est donc probablement l'une des dernières à porter la trace de la poste féodale des princes de la Tour et Taxis.


 

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