GUERRE DE 1870-71

TERRITOIRES OCCUPÉS

© Jean-Louis BOURGOUIN

 

HISTORIQUE DE LA POSTE PENDANT LES HOSTILITÉS

1. Début de la guerre franco-allemande :
       Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse.

2. La zone occupée :
       A partir d’août 1870, l’avance de l’armée allemande coupe la France en deux : la zone libre où l’administration postale française continue à assurer le service du courrier, et la zone occupée où l’organisation de la poste est prise en main par les postes prussiennes sous la direction de Rosshirt.

3. Les timbres d'Alsace-Lorraine :
       A partir du 10 septembre 1870, le courrier circulant à l’intérieur de la zone occupée doit être affranchi avec des timbres spéciaux, dits d’Alsace-Lorraine, imprimés par l’administration postale prussienne à Berlin.

       Jusqu’à la fin des hostilités il n’y a aucun échange de courrier entre les deux zones, à l’exception des lettres passées clandestinement. Les lettres doivent transiter par la Belgique et l'Allemagne.

     Dans ce cas, le Bulletin Mensuel n° 27, de septembre 1870, donne la marche à suivre :
       "Les lettres ordinaires pour les parties du territoire français occupées par l'ennemi peuvent être expédiées par la voie de la Belgique et de l'Allemagne. Ces lettres doivent être affranchies jusqu'à la frontière et frappées du timbre P. P. La taxe d'affranchissement est la même que pour les lettres circulant à l'intérieur de bureau à bureau. Les lettres dont il s'agit doivent être dirigées comme celles à destination de Prusse et livrées par les bureaux d'échange français aux bureaux d'échange prussiens, sans taxe ni décompte.
       Quant aux lettres provenant des parties du territoire français occupées par l'ennemi et qui parviennent en France par la voie d'Allemagne et de Belgique, l'affranchissement en est obligatoire jusqu'à la frontière d'entrée en France, et les bureaux d'échange prussiens les livrent aux bureaux d'échangé français, sans taxe ni décompte. Ces lettres doivent être frappées, par les bureaux français d'entrée, de la taxe dont sont passibles les lettres non affranchies circulant en France de bureau à bureau, à moins que le prix du parcours entre la frontière et le lieu de destination n'ait été acquitté par l'envoyeur en timbres-poste français, conformément à notre tarif intérieur, auquel cas ces lettres doivent être frappées du timbre P. D. et livrées exemples de toute taxe aux destinataires."


4. L'armistice :
       Le 28 janvier 1871, une convention d’armistice est signée à Versailles. Elle met fin au siège de Paris.
       L'article 15 prévoit qu'un service postal de lettres non cachetées sera organisé entre Paris et les départements, par l'intermédiaire du quartier général à Versailles.

5. Période transitoire :
       Du 31 janvier au 12 février 1871, les lettres de Paris ne sont acheminées que non cachetées.
       Du 31 janvier au 14 février 1871, les lettres pour Paris ne sont acheminées que non cachetées.

6. Convention de poste pour Paris :
       Le 3 février 1871, une convention entre Rampont, directeur des Postes françaises, et Rosshirt, administrateur des postes dans les territoires français occupés par les troupes allemandes, prévoit que les lettres entre Paris et la zone occupée paieront un double affranchissement :
        "
Art. 1er. Les lettres simples de Paris pour le territoire français occupé par les troupes allemande, et vice versa, supporteront une taxe de 40 centimes. Chacune des Parties Contractantes percevra 20 centimes, de façon à ce qu'il ne soit perçu aucun décompte pour l'échange de ces lettres. Pour les lettres dépassant 10 grammes, la taxe sera établie d'après la progression françaises des lettres affranchies."
       Côté allemand, la progression de taxe se fera par tranche de 10 grammes.

       Les expéditeurs doivent donc affranchir leurs lettres avec des timbres ayant cours dans les deux zones. En cas de manque d’affranchissement pour l'autre zone, la taxe est perçue à l’arrivée sans pénalité. Cette date marque la reprise de la circulation du courrier entre Paris et les zones occupées, ainsi que le début des taxes.

        "
Art. 3. Les lettres de Paris pour le territoire non occupé, et vice versa, supporteront un droit de transit de 10 francs par kilogramme.

 
        "Art. 4. Les lettres pour l'étranger seront livrées à découvert à l'office allemand, qui les traitera, à partir de Versailles, comme lettres nées en territoire occupé. L'office français remboursera à l'office allemand les taxes dont seront grevées les lettres non affranchies provenant de l'étranger.
 
       Il résulte de cet article que les lettres à destination de l'étranger, affranchies en timbres français, sont considérées par l'office allemand comme non affranchies. Elles sont donc taxée comme telle par le pays de destination. Cette clause sera supprimée à partir du 16 février 1871.

7.
Nouvelle convention de poste :
       Le 14 février 1871, nouvelle convention Rampont-Rosshirt, notamment pour effectuer l’échange des sacs postaux. Celle-ci prévoit également
que les agents des postes français dans les territoires occupés pourront opérer le relevage et la distribution des correspondances, moyennant remboursement à l'Office allemand des taxes dont ces correspondances sont passibles.

8. Courrier de province :
       Le 25 février 1871, à son tour le trafic postal est rétabli en province entre la zone libre et la zone occupée. Les conditions d’acheminement sont les mêmes qu’à Paris.

     Cette lettre a été postée à Versailles, où était basé le Feldpost Relais N°41, le 13 février. Elle a été acheminée sur Argentan à partir du 25 février.

9. Convention de poste pour les territoires occupés :
       Le 10 mars 1871, une convention est conclue à Reims entre les administration des postes allemandes et françaises, concernant l'exécution du service postal dans les départements occupés. Elle prévoit notamment qu'en ce qui concerne les correspondances à échanger entre l'Alsace et les parties cédées de la Lorraine, d'une part, et la France, de l'autre, l'état actuel des choses sera maintenu jusqu'à nouvel ordre (convention du 4 février ci-dessus).
       Cette Convention est ratifiée le 20 mars 1871 par M. Jules Favre, Ministre des Affaires étrangères. Comme prévu à l'article 8, elle entre en vigueur trois jours après la date de la dernière des deux ratification, soit le 24 mars 1871.

10. Retour à la normale :
       Donc, le 24 mars 1871 la direction et l’exploitation du service postal dans les départements occupés sont remises à l’administration française, conformément aux articles 1 et 2 de la convention du 10 mars 1871.

       Contrairement à la convention du 4 février 1871, les lettres simples de France à destination de la zone annexée, ne comportant pas le double affranchissement, seront taxées 30 centimes à l’arrivée (au lieu des 20 c. prévus), du 25 mars 1871 au 31 juillet 1871.

     Lettre postée le 17 juillet 1871 au Havre à destination de Strasbourg annexé, taxée 30 centimes.


       Du 1er août 1871 au 31 décembre 1871 cette taxe est ramenée à 20 centimes, conformément à la convention du 4 février 1871.
 

     Certains expéditeurs français, ne possédant pas de timbres d'Alsace-Lorraine, pensaient qu'il pouvait affranchir leurs lettres à 40 centimes, pour éviter à leurs destinataires de payer une taxe. Mais la poste d'occupation ne reconnaissant pas les timbres français, ces tentatives étaient vouées à l'échec.
     Cette lettre pesant moins de 10 grammes, postée le 17 août 1871 à Lyon, a été affranchie inutilement à 40 centimes. Elle a été taxée 20 centimes à l'arrivée à Metz.


11. 1er septembre 1871 :
       Le 1er septembre 1871 les tarifs postaux français sont modifiés.

12. Suppression des timbres d'Alsace-Lorraine :
       A partir du 1er janvier 1872 les timbres d’Alsace-Lorraine n’ont plus cours: ils sont remplacés par ceux de l’Empire allemand. Le port ou la taxe sont de 2 groschens par 10 grammes.

13. Suppression du double affranchissement :
       Une nouvelle convention de poste est conclue à Versailles, le 12 février 1872, entre la France et l'Allemagne. L'article 4 stipule :
     - Le port des lettres simple échangées entre la France et l'Algérie, d'une part, et l'Allemagne, d'autre part, est fixé, à savoir :
       1. à 40 centimes pour les lettres affranchies en France et en Algérie, et à 3 gros pour les lettres affranchies en Allemagne
       2. à 60 centimes pour les lettres non affranchies adressées en France et en Algérie, et à 5 gros pour les lettres non affranchies adressées en Allemagne.
       L'article 19 prévoyait que cette convention serait mise à exécution au plus tard le 1er mai 1872. Dans les faits, la loi spéciale portant approbation de cette Convention a été votée par l'Assemblée nationale le 14 mai 1872, et promulguée, à Versailles, par les deux parties, le 15 mai. L'administration allemande appliqua immédiatement les termes de l'accord, tandis qu'en France, la loi ne sera promulguée que le 23 mai. Elle paraîtra au journal officiel le 24 mai, pour un mise en vigueur le lendemain. Du 15 mai au 24 mai, la taxation du courrier échangé entre la France et l'Alsace-Lorraine se fera donc, théoriquement,  suivant deux règles différentes :
       1. En Alsace-Lorraine :
     Les lettres de France pour l'Alsace-Lorraine qui ne sont pas affranchies à 40 c sont taxées comme lettres non affranchies (5 groschen), sauf déduction de la valeur des timbres-poste allemands employés par l'expéditeur (conformément à l'article 8 de la nouvelle Convention), en cas de double affranchissement
*.
       2. En France :
     Les lettres d'Alsace-Lorraine pour la France continuent à être taxée conformément à l'ancienne Convention du 10 mars 1871
*.
      
*En pratique, il a régné une grande confusion pendant ces dix jours, et l'on trouve aussi bien des courriers affranchis et taxés selon l'ancienne Convention, que des combinaisons diverses de l'ancienne et de la nouvelle Convention.

       A partir du 25 mai 1872, le double affranchissement est définitivement supprimé.