LE
SIÈGE DE PARIS
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HISTORIQUE DE LA POSTE PENDANT LE
SIÈGE |
Le 6 septembre 1870, le gouvernement de la défense nationale décrète :
"Le Ministre des finances est autorisé à transférer à Tours le Directeur général des Postes et les moyens de service nécessaires pour assurer en toute éventualité l'acheminement régulier des correspondances postales."
Le 8 septembre, une circulaire est adressées à tous les directeurs des postes des départements et des bureaux ambulants au sujet des mesures à prendre en cas d'investissement de Paris :
"Un arrêté du Ministre des finances, en date d'hier, prescrit au Directeur général des Postes de se transporter à Tours, pour maintenir et organiser le service des communications sur tout le territoire de la République. En conséquence, et à partir de la réception de la présente circulaire, les chefs de service devront faire deux parts des affaires qu'ils soumettent habituellement à l'Administration :
La première sera adressée au Directeur général des Postes, à Tours, et comprendra exclusivement ce qui a rapport à la marche des courriers, à l'acheminement des correspondances et à l'ordonnancement des dépenses.
La seconde, comprenant toutes les autres questions de service, continuera à être adressée au Directeur général des Postes, à Paris. Néanmoins, comme les relations avec la capitale peuvent être coupées par l'ennemi, les chefs de service ne devront expédier la correspondance de cette dernière catégorie qu'autant qu'ils sauront que les communications sont libres ou assurées. Dans tous les cas, les mesures suivantes, qui seront exécutoires dès que les communications avec Paris cesseront, ont en vue de fournir aux chefs de service les moyens de faire fonctionner, sans l'intervention de l'Administration supérieure, les principaux rouages postaux..."
Le 19 septembre, une circulaire est adressées à tous les agents au sujet des mesures à prendre pour correspondre avec Paris :
"L'éventualité appréhendée dans la circulaire du 8 de ce mois s'est malheureusement réalisée : toutes les voies de fer aux abords de là capitale sont aujourd'hui coupées, soit par le fait de l'ennemi, soit dans l'intérêt de la défense. Les communications des départements avec Paris, et réciproquement, entrent dans la phase prévue par ladite circulaire.
En conséquence, les services de bureaux ambulants et de courriers convoyeurs aboutissant à Paris, lesquels, tant qu'une déviation était utile, avaient modifié leur itinéraire pour profiter des voies encore libres, reprendront, à partir de ce jour, leur chemin normal, sauf qu'au lieu d'aller jusqu'à Paris, ils s'arrêteront forcément aux points terminus des trains vers la capitale, et repartiront naturellement de ces mêmes points en service descendant.
Il est tout particulièrement recommandé aux directeurs de ligne de requérir des compagnies que les trains-poste approchent de Paris le plus près qu'il sera praticable, afin de ne pas rendre matériellement impossible, par la distance, le transport des dépêches par la voie de terre aux environs de la capitale.
Les directeurs des départements, et généralement les agents sédentaires de tout grade, appuieront les démarches des directeurs ambulants, contrôleurs et chefs de brigade, en demandant à cet effet le concours des préfets ou des autorités quelconques de leur résidence.
Les directeurs et receveurs des Postes dans le département ou la résidence desquels s'arrêtent les trains vers Paris sont particulièrement chargés de rechercher, d'organiser et d'assurer à tout prix les moyens de transport nécessaires pour suppléer au déficit des chemins de fer. Les directeurs enverront sur le lieu leur contrôleur, s'ils ne s'y rendent eux-mêmes.
A leur arrivée au point extrême de leur marche possible en voie de fer vers Paris, les agents ambulants s'enquerront des moyens adoptés pour tâcher de faire parvenir leur dépêches ; ils se concerteront avec les agents sédentaires pour effectuer le transbordement de l'expédition desdites dépêches.
Si ces dépêches doivent séjourner forcément à ce point, elles devront être entreposées en lieu sûr.
Il est rappelé, à ce sujet, 1° que les directeurs ambulants doivent être représentés, aux points qui deviennent têtes de leur ligne, par un chef de brigade, à défaut de leur contrôleur ou d'eux-mêmes ; 2° que les dépêches pour Paris doivent être formées sous le plus petit volume possible : cette prescription est de la plus grande importance, afin de faciliter le transport de ces dépêches exceptionnelles et, au besoin, d'en permettre la dissimulation à travers les lignes ennemies.
A dater de la réception du présent ordre, et pour ne pas rendre insurmontables les difficultés déjà énormes du transport des dépêches tenté à tous risques aux abords de la capitale, et pour ne pas exposer les chargements à tomber en la possession de l'ennemi, les bureaux sédentaires se conformeront aux dispositions ci-après, dont ils préviendront le public."
A partir de cette date, toutes les communication postales furent coupées avec Paris.
Le 19 septembre, un avis informe le public de Paris de la situation :
"Le Directeur général des Postes a l'honneur d'informer le public que, par suite de l'interruption des communications par les voies ferrées, les lettres ordinaires pour les départements et l'étranger pourront seules, jusqu'à nouvel ordre, être admises dans le service.
L'Administration fera ses efforts pour les acheminer le plus rapidement possible.
Les chargements, à cause des risques à courir, les journaux, imprimés et échantillons, à cause de leur volume, ne seront reçus que pour l'intérieur de Paris et les forts détachés."
Le 21 septembre, un nouvel avis est communiqué au public de Paris :
Par suite des difficultés de l'expédition des lettres à destination des départements et de l'étranger, le Directeur général des Postes a l'honneur de prier instamment le public de ne faire usage que de papier très mince, et de plier chaque lettre de façon qu'il ne soit pas nécessaire d'employer une enveloppe.
A partir de cette date, le gouvernement de la Défense Nationale rechercha tous les moyens de correspondre entre Paris et la province, et entre la province et Paris. Voir les deux chapitres sur ce sujet (Ballons montés et boules de Moulins).
HISTORIQUE DE LA POSTE APRÈS LE SIÈGE
du 28 janvier au 16 février 1871Le 28 janvier 1871, un armistice est signé :
"Entre M. le comte de Bismark, stipulant au nom de Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, et M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères du Gouvernement de la défense nationale, ont été arrêtées les conventions suivantes :
- Art. 1. Un armistice général sur toute la ligne des opérations militaires en cours d'exécution entre les armées allemandes et les armées françaises commence pour Paris aujourd'hui même et pour les départements dans un délai de trois jours..."
- Art. 15. Un service postal pour des lettres non cachetées sera, organisé entre Paris et les départements, par l'intermédiaire du quartier général de Versailles."
Le 31 janvier 1871, un avis informe le public des stipulations de l'article 15 de la convention du 28 janvier :
"En vertu de cette disposition, le Directeur général des Télégraphes et des Postes prévient le public qu'à partir de ce jour, les lettres ordinaires à destination de Paris, non cachetées, seront acheminées sur Versailles par toutes les voies ouvertes à l'Administration et dont elle pourra disposer. La convention n'autorisant que la circulation des lettres non cachetées, l'Administration est dans l'obligation de conserver, quant à présent, les correspondances pour Paris accumulées depuis l'investissement de la capitale sur différents points du territoire."
Convention du 3 février 1871 :
Cette lettre a été postée, non cachetée, à Paris le 30 janvier 1871, à destination de Reims en zone occupée par l'armée allemande. Conformément à la convention du 28 janvier, elle a été acheminée jusqu'à destination par l'intermédiaire du quartier général de Versailles et taxée comme une lettre non affranchie par la poste allemande, soit 30 centimes (taxe inscrite au crayon bleu).
Le 3 février 1871, une convention entre Rampont, directeur des Postes françaises, et Rosshirt, administrateur des postes dans les territoires français occupés par les troupes allemandes, prévoit que les lettres entre Paris et la zone occupée paieront un double affranchissement :
"Art. 1er. Les lettres simples de Paris pour le territoire français occupé par les troupes allemande, et vice versa, supporteront une taxe de 40 centimes. Chacune des Parties Contractantes percevra 20 centimes, de façon à ce qu'il ne soit établi aucun décompte pour l'échange de ces lettres. Pour les lettres dont le poids dépassera 10 grammes, la taxe sera établie d'après la progression françaises des lettres affranchies. Les lettres dont il s'agit seront livrées à l'Office allemand, à Versailles, triées par département."
Côté allemand, la progression de taxe se fera par tranche de 10 grammes.
Les expéditeurs doivent donc affranchir leurs lettres avec des timbres ayant cours dans les deux zones. En cas de manque d’affranchissement pour l'autre zone, la taxe est perçue à l’arrivée sans pénalité. Cette date marque la reprise de la circulation du courrier entre Paris et les zones occupées, ainsi que le début des taxes.
" Art. 2. L'Office allemand percevra une taxe de 4 centimes par 40 grammes sur les journaux et imprimés à destination du territoire occupé. Le poids de chaque paquet ne pourra dépasser 240 grammes.
"Art. 3. Les lettres de Paris pour le territoire non occupé, et vice versa, supporteront un droit de transit de 10 francs par kilogramme. Les journaux et imprimés supporteront un droit de 2 francs par kilogramme.
"Art. 4. Les lettres pour l'étranger seront livrées à découvert à l'Office allemand, qui les traitera, à partir de Versailles, comme lettres nées en territoire occupé. L'Office français remboursera à l'Office allemand les taxes dont sont grevées les lettres non affranchies provenant de l'étranger.
Il résulte de cet article que les lettres à destination de l'étranger, affranchies en timbres français, sont considérées par l'office allemand comme non affranchies. Elles sont donc taxée comme telle par le pays de destination. Cette clause sera supprimée à partir du 16 février 1871 (voir ci-dessous).
"Art. 7. Cette Convention sera mise immédiatement en vigueur, sous réserve de l'approbation du directeur général des postes à Berlin, approbation dont M. le Dr Rosshirt donnera l'avis à M. Rampont dans le délai de quatre jours.Le 4 février un avis au public de Paris précise les conséquences de l'article 4 :
"Le public est prévenu qu'à la suite des arrangements intervenus entre les Administrations des Postes française et allemande, pour l'exécution de 1'article 15 de la Convention d'armistice, les dispositions du décret en date du 26 septembre dernier sont maintenues en ce qui concerne l'affranchissement obligatoire des lettres pour toutes destinations.
L'Office allemand n'ayant pas admis la continuation des relations directes entre Paris et les pays étrangers, il est temporairement impossible d'affranchir jusqu'à destination aucune lettre pour ces pays, à moins d'avoir un correspondant à Versailles qui se charge de l'affranchissement au bureau allemand.
Les lettres à destination des pays étrangers pour lesquels l'affranchissement était obligatoire, avant l'état dé guerre ne pourront, en conséquence, être expédiées directement de Paris. Les lettres à destination des autres pays étrangers, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'affranchissement n'est pas obligatoire, auront à supporter au départ de Paris la taxe des lettres circulant à l'intérieur de la France. Il sera perçu à l'arrivée à Paris une taxe de 20 centimes par lettre simple, tant sur les lettres provenant du territoire occupé par l'ennemi que sur les lettres provenant de l'étranger, affranchies ou non affranchies, en sus des taxes dont elles auront déjà été frappées.
Ce Parisien a confié sa lettre à un correspondant à Versailles qui s'est chargé de l'affranchir avec des timbres d'occupation, pour éviter que son destinataire ne paie la taxe d'une lettre non affranchie.
Cette lettre a été postée le 3 février 1871, à Versailles où était basé le Feldpost Relais N°41, à destination de Bruxelles, où elle est arrivée le 4 février.Le 10 février 1871 :
Quelques difficultés ayant entravé la bonne exécution de l'article 15, le Directeur général des postes fit la mise au point suivante le 10 février 1871 :
"Aucune voie d'acheminement des départements vers Paris n'étant spécifiée, l'Administration en a conclu que toutes pouvaient être au moins essayées, et elle a donné des instructions en conséquence à ses agents dans tous les départements ; elle a fait plus ; elle a envoyé sur chaque ligne des chefs de service, avec pleins pouvoirs pour requérir des compagnies de chemins de fer les trains nécessaires, pour s'entendre avec les autorités allemandes des départements à traverser, et enfin pour faire établir et faire marcher en toute hâte, à tous prix, quelques sacrifices qu'il en puisse coûter, les moyens de transport par terre destinés à faire arriver à Versailles les lettres pour Paris. Les efforts de l'Administration ont, en général, été tout d'abord infructueux. Aucun envoi de lettres des lignes du Nord, du Havre, de Caen, du Mans, de Tours, n'a pu, pendant plusieurs jours, franchir les territoires occupés pour parvenir à Versailles.
Une seule voie, celle de Vierzon, Orléans et Étampes a été ouverte ; l'Administration s'est empressée d'y faire converger toutes les lettres pour Paris, et dès le 3 au matin, au moyen d'un transport par terre d'Etampes à Versailles, de nombreuses lettres pour Paris ont été livrées aux postes prussiennes à Versailles. Il est à croire que ces lettres n'ont pas tardé plus d'un jour a être distribuées dans la capitale. Chaque jour, ensuite, les envois dans le même sens ont suivi, et ils continueront ainsi jusqu'à ce que d'autres voies d'acheminement qu'on espère voir s'ouvrir (celle du Mans notamment) permettent d'accélérer la transmission des lettres de l'Ouest pour Paris.
Quant aux lettres de la capitale pour les départements, l'Administration des Postes à Bordeaux regrette de ne pouvoir expliquer pourquoi le quartier général de Versailles a mis tant de temps à s'en dessaisir. Ce qui est certain, c'est que, dès qu'elles ont été reçues par les employés supérieurs français envoyés à cet effet à Versailles, ces lettres n'ont mis, pour aller à leurs destinations respectives, que le temps indispensable à leur transport.
Nonobstant l'assertion de certains journaux, une première arrivée de ces lettres a eu lieu à Bordeaux le 9 et la distribution en a été faite sur-le-champ.
Aujourd'hui 10, une plus grande masse de lettres de Paris est parvenue ce matin et a été distribuée dans la matinée. Maintenant que le mouvement de ces correspondances est sans doute organisé à Versailles, chaque jour amènera un nouveau courrier. L'Administration ne négligera, rien pour accélérer ce service, le public n'en doute certainement pas."
Avis au public de Paris du 12 février 1871, fermeture des lettres de Paris :
Le public est prévenu qu'à partir d'aujourd'hui, toutes les lettres jetées dans les boîtes ou déposées dans les bureaux de poste peuvent être closes.
Avis au public du 14 février 1871, fermeture des lettres pour Paris :
Le public est prévenu qu'à partir de ce jour les lettres échangées entre Paris et les départements pourront être fermées. L'Administration donne l'ordre d'acheminer sur la capitale toutes les correspondances qui avaient été entreposées sur divers points depuis l'investissement. (Avis publié dans le Moniteur Universel de Bordeaux, le 16 février)
Convention du 14 février 1871 :
Cette convention prévoit :
1° Il sera établi un échange direct par dépêches closes entre Paris et les bureaux ambulants desservant les territoires non occupés. (Le transit par Versailles est donc supprimé)
4° Les correspondances échangées entre Paris et l'étranger seront, transportées en dépêches closes à travers le territoire occupé.
5° L'Administration française payera à l'Administration allemande, pour les correspondances comprises dans les dépêches closes échangées entre le bureau de Paris et les bureaux étrangers, le même prix de transit que pour les correspondances échangées entre Paris et les territoires non occupés.
Avis au public de Paris du 16 février 1871 :
A partir d'aujourd'hui, les lettres à destination des départements français non occupés par les armées allemandes, de l'étranger et des colonies, seront expédiées de Paris aux mêmes conditions qu'avant le siège. L'expédition des chargements pour les mêmes destinations est autorisée, à l'exclusion des valeurs déclarées.
Cette date marque la fin du blocus postal de Paris.